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La Sécheresse et les vagues de chaleur qui frappent de plus en plus intensément les grands producteurs de tomates que sont l’Espagne et l’Italie, sans parler du Maroc, pourraient bouleverser l’agriculture. L’appétit pour ces fruits rouges devrait, en effet, décupler avec l’augmentation des températures. Une perspective qui pourrait pousser les producteurs de tomates à se tourner vers la France, de Nantes à Dunkerque, en passant par la Bretagne et la Normandie ! Des territoires à potentiel surveillés de près par les professionnels.
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Il est peu de dire que nous nous régalons de tomates, surtout l’été, mais souvent toute l’année. En salade, farcies, en sauce, sur nos pizzas et pâtes, en soupes l’hiver, et même sur les frites des enfants (avec du ketchup !). De nouveaux modes de consommation émergent rapidement, comme les tomates cerises, très prisées par les enfants, ou les gaspachos qui égayent nos apéros et dîners d’été. Les variétés anciennes retrouvent également une place sur nos tables, ne serait-ce que pour colorer nos salades (de nombreux producteurs de « tomates anciennes de pleine terre » en proposent sur les marchés et en ligne).
Il existe de nombreuses variétés de tomates. La collection du conservatoire de la tomate du prince de Broglie dans son château de la Bourdaisière en compte 700 ! © Christian BERND, Adobe Stock
Vercingétorix et Louis XIV n’en ont jamais mangé ! Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle que ce fruit (car ce n’est absolument pas un légume !) est arrivé en Europe, en provenance d’Amérique centrale (d’où son nom aztèque tomate) et du Pérou. Mais en Italie, pas en France, où le célèbre botaniste Olivier de Serres écrivait en 1600 au sujet des tomates qu’il cultivait comme ornement dans son jardin : « Leurs fruits ne sont pas bons à manger, seulement utiles en médecine et plaisants à manier et flairer. » À cette époque, on savait que les tomates non mûres contiennent des alcaloïdes toxiques, qui disparaissent à maturité.
Les Italiens l’adoptent et l’appellent « Pomme d’or » car les premières arrivées en Italie étaient jaunes, tandis que de nombreux textes anciens l’appelaient « pomme d’amour », en référence à ses supposées propriétés aphrodisiaques. Ce sont probablement les révolutionnaires marseillais montés à Paris qui l’ont introduite en 1790. Plus tard, le développement des chemins de fer permet aux tomates de Provence d’être commercialisées dans le nord de la France. Ce n’est qu’au XIXe siècle que la production de tomates connaît un véritable développement, grâce aux progrès de l’irrigation, qui permet d’augmenter à la fois les surfaces cultivables et les rendements.
Aujourd’hui, chaque Français consomme environ 22 kilos de tomates par an (deux tiers fraîches et un tiers transformées), loin derrière les Turcs ou les Tunisiens, qui consomment près de 100 kilos par an !
La France reste un « petit » producteur de tomates
Entre 1962 et 2022, selon les chiffres de la FAO, la production mondiale de tomates a été multipliée par 6,4, passant de 29 à 185 millions de tonnes. La majeure partie de cette progression se situe en Asie, dont la production a été multipliée par 15,5, passant de 8 à 119 millions de tonnes.
En Afrique, la production de tomates a également fortement augmenté, passant d’environ 2 à 23 millions de tonnes. Les autres continents ont également vu leur production augmenter, mais dans des proportions moindres ; l’Europe est passée de 11 à 20 millions de tonnes.
En Europe, dans le cadre de la Politique agricole commune, la France n’a pas misé sur les fruits et légumes. Elle produit en quantité des céréales, du vin, des produits laitiers, etc., mais achète les ingrédients de ses salades. C’est ainsi que plus personne n’a faim en Europe (comme cela a été particulièrement évident pendant les confinements dus à la Covid-19). Mais cela signifie concrètement que les Madrilènes mangent du pain cuit avec de la farine de Beauce tandis que les Parisiens se régalent de tomates andalouses.
On peut donc observer que notre production de tomates n’a pratiquement pas augmenté depuis 60 ans, alors qu’elle a presque triplé en Italie et en Espagne.
L’Italie produit actuellement huit fois plus de tomates que la France, et l’Espagne cinq fois. Chiffres FAOSTAT. © Bruno Parmentier
À l’échelle mondiale, nous ne « pesons rien » en la matière, à peine 0,4 % de la production mondiale, qui est dominée par l’Asie, comme le montrent les graphiques ci-dessous.
La Chine, premier producteur mondial de tomates (et de loin) « pèse » 100 fois plus que la France ! Et la Turquie 18 fois plus. En Europe, qui ne produit que 15 des 185 millions de tonnes de la récolte mondiale, au-delà des deux poids lourds (relatifs) que sont l’Italie et l’Espagne, même les petits Pays-Bas, au climat moins favorable que nous, produisent davantage, avec peu de surfaces mais une productivité absolument remarquable dans ses serres (509 tonnes à l’hectare, contre 209 en France). Chiffres FAOStat 2022. © Bruno Parmentier
Mais la France reste un gros importateur de tomates
Comme notre production domestique de tomates est relativement faible (et que nous en exportons également, par exemple vers l’Allemagne), nous sommes un gros importateur de ce fruit (le 3e mondial, derrière les États-Unis et l’Allemagne).
Depuis 2012, un accord de libre-échange entre l’UE et le Maroc permet à ce dernier d’exporter 285 000 tonnes de tomates entre le 1er octobre et le 31 mai sans droits de douane. En 2022, la France a importé le nombre record de 425 000 tonnes de tomates marocaines, qui ont progressivement détrôné les espagnoles, se maintenant à moins de 100 000 tonnes. Notons qu’une partie ne fait que transiter par la France pour être réexportée (environ 200 000 tonnes). Source : Douanes. © Bruno Parmentier
En ce qui concerne la tomate transformée, le taux de dépendance de la France est aux alentours de 85 %, alors qu’il était de 60 % à la fin des années 1990. Les sauces tomate consommées par les Français proviennent majoritairement d’Espagne (45 %), d’Italie (35 %) et d’Europe du Nord (20 %), tandis que les tomates en conserve et en concentré viennent principalement d’Italie (plus de 60 %) et d’Espagne (plus de 25 %).
Plus généralement, près d’un fruit et légume sur deux consommés en France sont importés (28 % des légumes et 71 % des fruits, selon un rapport de FranceAgriMer publié en avril 2023). Ces chiffres incluent les fruits exotiques légitimement importés, mais aussi les variétés produites sur le territoire français.
D’où la colère fréquente des producteurs français, qui s’estiment injustement pénalisés. La tomate marocaine coûte en moyenne 2,3 fois moins cher que les tomates françaises. Cette disparité s’explique en partie par des salaires moins élevés au Maroc : 1,50 € de l’heure contre 11,65 € pour le SMIC français.
Notons cependant que, pour la plupart, les importations marocaines sont en réalité contre-saisonnières, puisque plus de 2/3 d’entre elles se font de novembre à avril, alors que la production française s’échelonne d’avril à octobre. Grâce à elles, les Français mangent désormais des tomates toute l’année !
De plus, l’offre marocaine est désormais axée à plus de 50 % sur des produits à plus forte valeur ajoutée, notamment les petits fruits (tomates cerises). En 2005, les tomates cerises représentaient 300 tonnes des exportations marocaines ; aujourd’hui, elles en représentent 70 000 tonnes, soit une multiplication par 233 en 15 ans.
Le consommateur achète les tomates par kilos ; un producteur comme Le Jardin de Rabelais fait vivre 400 personnes pour en produire 4 300 tonnes chaque année (avec les hautes exigences du label Demain la Terre sur tous les aspects du développement durable) ! © Benjamis Dubuis, tous droits réservés
Le consommateur achète les tomates par kilos ; un producteur comme Le Jardin de Rabelais fait vivre 400 personnes pour en produire 4 300 tonnes chaque année (avec les hautes exigences du label Demain la Terre sur tous les aspects du développement durable) ! © Benjamis Dubuis, tous droits réservés
Facteur aggravant, la Bretagne, première région productrice, doit en plus chauffer ses 600 hectares de serres tout l’hiver, avec un prix du gaz qui ne cesse d’augmenter ! Certains producteurs ont trouvé une solution en s’installant autour des
géants de l’industrie agroalimentaire, leur fournissant des tomates à transformer, souvent en s’appuyant sur des technologies de pointe, des serres chauffées au gaz ou à la biomasse et des cultures hors-sol (c’est le cas de l’entreprise Villevenard qui transforme directement les tomates dans son propre atelier à côté de la serre). Ces « circuits courts » permettent de valoriser les tomates transformées en local et ainsi d’éviter les importations. C’est donc le pari sur une nouvelle forme de consommation et de production qui est à l’œuvre pour l’avenir. À cet égard, les projets de fermes verticales en France (non encore commercialisées) pourraient révolutionner le marché et réduire encore notre dépendance extérieure pour certains produits, tomates comprises.
J’espère que cela vous convient !